La Mer Morte

J'ai fait ce rêve terrible d'un vieil homme qui lavait le linceul de son fils dans la Mer Morte. 

Il se tenait jusqu'à hauteur des hanches dans l'eau saline,
bleu profond translucide, 
il y plongeait le drap mortuaire.
Son visage arborait l'un de ces airs stoïques, tant appliqué à la tâche, concentré. Et ça m'a brisé le cœur.  Tout était si figé en lui, pauvre carcasse incrédule. Quand la peine dépasse la raison, que la terre se vide de son peuple, je crois qu'il ne reste plus qu'à vaquer à l'ouvrage.

Lorsqu'elle est morte, j'ai nettoyé les plinthes, j'ai frotté chaque latte à la main, j'ai retiré les poussières.
Deux semaines ont passé et dès que mon corps est arrivé dans la ville, il a cru venir chez elle, comme un animal rejoint son abri. Mais tout est vidé désormais, je ne suis plus chez moi là-bas, ce fut elle ma maison. 
[Où es-tu si tu n'es plus là ?]

Deux semaines ont passé et ce sentiment diffus a laissé place aux larmes. Je crois que je pourrais encore la pleurer des mois entiers tant je dois repasser tous nos souvenirs, les mettre en coffre, les envelopper soigneusement pour les jours où le monde me brûle et où les liens se rompent.

Je serre ces paquets d'instants perdus contre moi et le lion qu'elle aimait me veille ces dernières nuits de sueurs froides.

Dormir une heure ou deux,

Sieste de bus sur la route, au loin passent les villes éclairées, lampions au filtre de mes paupières échauffées, déjà bouffies. 
Récupérer l'énergie minimale pour la clarté dans mon crâne, chasser mes cauchemars pour un temps incertain. 
Je repense au vieux méditerranéen, au linceul ensanglanté, au vermillon dilué dans l'eau claire.
Je me réveille au milieu de la nuit dans ce bus endormi, je suis loin de chez moi, je me sens si petite, si loin d'elle et tellement, tellement petite.

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